L’exquise sensibilité de l’opinion

En réponse à un adhérent du mouvement, que la visite de Kadhafi en France fait crier de douleur sous le titre de “J’ai mal à la France”, sur e-soutien.

Vous n’avez pas mal à la France. Vous avez mal à votre amour de vous-même, à votre mégalomanie moraliste, à votre arrogance, à vos gesticulations sentimentales, à vos formules aussi rigides qu’impuissantes. Vous avez mal à votre image de Français bouffi de valeurs universelles, qui a toujours un alibi d’avance, une irresponsabilité au dessus de la dernière enchère, une innocence à revendiquer, un rayonnement à satisfaire, un mission civilisatrice à dégourdir, et une escroquerie humanitaire qui la démange. Votre image de Français puriste et grandiloquent qui adopte toujours la bonne pose, quand bien même cela devrait provoquer ce qu’il s’agit de prévenir, décourager ce qu’il s’agit d’encourager, affaiblir ce qu’il s’agit de renforcer, contrarier ce qu’il s’agit d’aider, etc.

Bref, vous avez mal à votre image de Français qui ne cause pas avec les méchants et ne vend des armes qu’aux gentils, qui laisse pourrir des otages au nom des droits de l’homme, qui se lave d’avance les mains de voir Kadhafi se faire renverser par les Frères Musulmans, si ce n’est pas pire, ou qui préfère que d’autres se chargent de l’éviter, pour pouvoir vous scandaliser à votre aise de leur cynisme. Votre image de Français qui s’étonnait déjà de voir des élections démocratiques mettre le FIS au pouvoir en Algérie. Et qui s’étonnerait de même des effets d’une libéralisation du régime en Tunisie ou en Egypte.

Cette image hypersensible qui fait hurler de douleur au moindre frôlement de la réalité, en laquelle vous prétendez voir la France, ce n’est qu’une posture tout juste bonne pour regarder les actualités en s’y croyant vraiment, une bonne conscience rafistolée tout juste bonne à se vautrer sur un canapé avec sa provision de ships et de cacahouètes avec la certitude qu’on aura raison à tous les coups.

Je ne dis pas cela en faveur de l’attitude de Sarkozy. Elle est critiquable. Je le dis en faveur d’un langage plus responsable, capable d’examiner le pour et le contre, et d’anticiper les effets de tel ou tel choix. Et capable de plus de nuances, aussi, lorsqu’il s’agit de s’opposer.

Notre façon de faire de la politique autrement ressemble comme deux gouttes d’eau à celle du PS. Sauf que parmi les socialistes, on en trouverait sans trop de peine quelques uns qui savent qu’à la place de Sarkozy, ils feraient la même chose. C’est d’ailleurs peut-être ce qui en fait, bien malgré lui, un parti de gouvernement.

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