Jacques a dit : levez le bras !

Vous connaissez le jeu Jacques-a-dit. “Jacques a dit : levez un bras !”, alors on lève un bras. Au début, au congrès c’était un peu comme ça. Sauf que c’était pas Jacques. C’était François. Un pro du “Jacques a dit”.

Je sais, le jeu paraît simple. Mais avec un pro, ça peut devenir très compliqué. Vous allez voir.


A un moment, ça allait très vite. Il fallait faire gaffe. Et on s’est tous plantés. A l’unanimité. Avec les pros, tout va très vite. C’est seulement quelques jours plus tard, en lisant nos nouveaux statuts, ceux qui sont déposés en préfecture, que j’ai compris. Entre un amateur, qui joue avec ses enfants, comme moi, et un bon professionnel, bien entraîné, ça na rien à voir. Ce n’est pas le même jeu.

Bien joué, le Jacques-à-dit peut devenir un jeu assez subtil. J’ai décidé de profiter de la leçon. D’entrer dans les finesses techniques du jeu. De m’entraîner un peu.

Pour s’entraîner, il faut décomposer le mouvement. Cela demande un peu de patience. Une petite démonstration ? Ca vaut le coup, vous allez voir.

En temps réel, voici ce que ça donne. Le compte rendu est là :

” …. L’amendement 42 supprime une instance, le “Conseil stratégique” désigné par le Président. “On a déjà des organes très complexes à 6 niveaux, ça devient une véritable usine à gaz”, il serait plus simple, selon le porteur de l’amendement, de “créer des commissions ad hoc”. François Bayrou lui “donne raison sur un point : qu’il ne soit pas une instance du parti. Je le retire donc des instances du Mouvement”. Il met au vote cette proposition, qui est approuvée à l’unanimité”. [fin de citation]

http://www.francedemocrate.info/spip.php?article316#forum383

Rien vu ? Normal, les amis, normal. Nous non plus. Et on n’est pas plus couillons que vous. Il n’y avait rien à voir. En apparence. Et pourtant, il s’est produit un coup fantastique : ce qui était supprimé par ce vote unanime est ré-apparu au même endroit quelques jours plus tard. En plein milieu des statuts. Mais déposés en Préfecture. Dans les statuts qui font foi. Vous pouvez vérifier, le Conseil Stratégique est dans les nouveaux statuts, à l’article 14. Intact.

http://www.mouvementdemocrate.fr/evenements/telechargement/statuts_modem.pdf

Bon, maintenant, pour étudier le mouvement, je décompose. La technique, c’est important. L’amendement mis au vote (AM42) était formulé de cette manière très sobre, dans un style impeccable : “Supprimer l’article 14″.

Le compte rendu dit “supprimer une instance”. Vu sous un certain angle, c’est pareil. Si le Conseil stratégique est une instance, et si on propose de supprimer l’article intitulé “Conseil Stratégique”, cela revient à supprimer cette instance. Et si le Conseil stratégique est supprimé comme instance, cela ne peut vouloir dire qu’une chose : qu’il n’y a plus lieu de le mentionner dans les statuts.

C’est comme ça sous un certain angle. Celui de tout le monde. Et c’est là que François a dit : “François a dit : faites l’unanimité !”. On s’est tous regardés, avec le bras en l’air. Et chacun se disait “j’ai bon !”. Oui, mais sous un autre angle, c’est pas du tout pareil, vu que c’est même tout le contraire. Je vous le refais sous cet autre angle. Soyez bien attentifs.

Le Conseil stratégique n’a jamais été une “instance” dans la version 4 des statuts. Les instances nationales sont énumérées à l’article 6. Celui-ci ne mentionne pas le Conseil Stratégique. L’article 14 lui-même n’en parlait pas non plus. Le Conseil Stratégique n’était nulle part désigné comme une instance. C’est seulement parce qu’il figurait dans les statuts qu’on pouvait le considérer à la rigueur comme tel. Mais il était strictement impossible d’amender les statuts pour faire en sorte qu’il ne soit pas désigné comme une instance : c’était déjà fait.

Maintenant, pris sous cet angle, on relit lentement :

“François Bayrou lui “donne raison sur un point : qu’il ne soit pas une instance du parti. Je le retire donc des instances du Mouvement”. Notre prof de magie fait semblant de concéder quelque chose qui en fait est acquis. Il anticipe le retrait (de quelque chose qui n’est nulle part) et se met à la place du congrès en disant “je le retire …”. Gros plan et ralenti sur le geste : “Je le retire donc des instances du Mouvement”. Mettez-vous à notre place. Sans oublier qu’il faut aller vite, dans ce jeu. Pour nous autres, il y avait deux interprétations possibles, et seulement deux :

- ou bien le Conseil Stratégique, sans être supprimé de l’organisation, est retiré des statuts, ce qui est l’objet de la discussion sur la supression de l’article 14 ; interprétation était hautement probable, compte tenu du contexte.

- ou bien on “retire” le Conseil Stratégique de la liste des instances qui figurent à l’article 6, mais comme il n’y figure pas, et comme il n’est ailleurs pas question de l’article 6 à ce moment-là, je ne vois pas comment on aurait pu comprendre les choses en ce sens. Ou plutôt en ce non-sens.

Bref, François a dit : “supprimez ce qui n’existe pas ! “. Et nous avons voté à l’unanimité pour maintenir intégralement ce qui existait. Le tour était joué.

Manuel de Survie

P.S. Les conséquences, nous les connaîtrons lorsque cette non-instance se peuplera. Le Conseil Stratégique, notez-le, a cette particularité : il ne peut jamais être plein. Le nombre de ses membres est illimité. Le plus probable, c’est qu’il soit d’usage honorifique. L’amendement suivant (AM43), dont j’étais le rapporteur, lui donnait un autre usage. Il n’a pas fait l’objet d’un Jacques-a-dit.

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