Le dialogue de Diogène et d’Alexandre

A ceux qui voudraient mieux comprendre les faits relatés par Eric Julliard sur France Démocrate, je recommande la lecture du compte rendu fait sur le même site de la réunion du 8 mai.

De mémoire, il me semble que Bayrou cite ce qu’il a lu sur le blog de Farid Taha en prétendant qu’il a reçu ce message par mail. Plus loin, il mentionne ceci :

“Hier soir, je discutais avec Éric Julliard jusqu’à une heure avancée. J’ai appris une chose dans la vie. On peut relire tous mes éditos de quand j’avais 20 ans, ils sont toujours d’actualité, mais au fond de moi j’étais autogestionnaire, je croyais que les groupes humains peuvent se diriger tous seuls. J’ai appris depuis que les partis, quand ils n’ont pas de chef, meurent”.

En quoi seraient-ce de bons points de départ ?

D’abord pour montrer que Bayrou, grand marginal de l’espace politique, a entretenu une espèce de proximité, à la fois imaginaire et réelle, avec ceux qui sont devenus progressivement, en douze mois, les grands marginaux de notre mouvement. Pourquoi ? Pas seulement à des fins de contrôle ou de maîtrise, comme on pourrait le croire, de façon simpliste, et comme il a fini par s’en persuader lui-même, peut-être. Pas seulement parce que l’entretien des malentendus constitutifs de notre consensus réclame un soin particulier à l’endroit de ses limites, comme on pourrait le croire avec un peu d’astuce, et comme il a peut-être fini par s’en persuader lui-même. Il y a, à mon avis, une raison plus fondamentale à cette proximité singulière, qui va au delà des affinités analogies entre le marginal à l’échelle de l’espace politique et les marginaux à l’échelle de l’organisation. Il y a une hésitation majeure, en matière de stratégie. Mais vécue intensément, comme un conflit de tendances intimes.

Bref, Bayrou, selon moi, vient de résoudre un conflit, peut-être provisoirement. Et de faire un choix stratégique, peut-être définitif.

Bons points de départ, aussi, parce que c’est d’une relation dont nous parlons, et qu’elle a une logique assez subtile, qui dépasse les intentions du moment. Bayrou, depuis douze ans, n’a cessé de subvertir l’UDF. Tantôt en la plongeant dans l’anarchie, tantôt en lui cimentant les pieds dans des valeurs. Il a toujours eu besoin de la complicité de ceux que l’UDF, dans son effort pour se conserver, repoussait dans ses marges. Marges qui étaient aussi ses marches : les bases de manoeuvre de ses futures conquêtes. Mais mêlée à ces traits de complicité, on trouve aussi, à d’autres moments, l’intention de se subvertir mutuellement, perçue de part et d’autre, qui contribue à la tension du jeu, et qui peut le rompre.

Farid Taha, et pas mal d’autres, dont moi, sont venus, comme Alexandre, devant Diogène, qui faisait la sieste. Vous connaissez la question un peu ironique d’Alexandre : “As-tu besoin de quelque chose ? Que puis-je faire pour toi ?”. Ce que nous avons entendu le 14 mai, très distinctement, c’est la réponse de Diogène : “Ote-toi un peu de mon soleil”.

Diogène n’a pas besoin des services d’Alexandre. Il fait de la politique autrement. Il installera son tonneau à l’Elysée par la parole, en surfant sur la crise de la démocratie.

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.