Le parlemensonge de l’alchimiste
“Le Conseil National est le Parlement du Mouvement Démocrate” (statuts du Mouvement Démocrate, article 9-1)
Mon cher buildfreedom, je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous voulez dire en qualifiant cet énoncé de “trop approximatif”. Je me trompe si facilement.
Compte tenu des ravages déjà très manifestes que faisait cette analogie entre les modalités de la conduite d’une organisation et le régime politique d’un pays, est-ce que Bayrou, par ailleurs si prompt à démontrer en acte qu’elle était radicalement fausse, n’aurait pas dû saisir l’occasion de cet amendement pour la réfuter ?
Que faudrait-il écrire pour être moins “approximatif” ? Je vous avoue que je ne trouve aucune formulation satisfaisante.
Est-ce que “le Conseil National est un peu le Parlement du Mouvement Démocrate, pour ceux qui auraient envie de le croire, mais cela n’engage qu’eux” est une formulation qui vous conviendrait ?
Il y a pourtant plus précis : “le Conseil National ne doit pas être considéré comme le Parlement du Mouvement Démocrate”. Mais ce n’est pas seulement très loin de ce qui est écrit. C’est le contraire. Vous savez bien que Bayrou n’aura jamais le courage de passer explicitement de l’un à l’autre.
L’ambivalence n’est pas seulement le reflet du jeu des forces au moment où elle est promulguée. Elle est aussi un procédé d’évitement, face à la difficulté. Un faux compromis, qui ne vaut qu’en rêve, lorsqu’en réalité on a la responsabilité, les moyens et l’occasion de trancher.
Pathologie ordinaire du pouvoir, qui pour se préserver, répugne à s’exercer. Avec des conséquences : conflictualité interne, anarchie, apraxie. Cette conduite, banale en politique, n’est pas de celles que l’on attend d’un homme d’état. Mais c’est la pathologie chronique dont les démocraties libérales subissent le plus souvent la très molle dictature, pour reprendre vos derniers mots. Et dans certaines situations difficiles, ce genre de conduite engendre des désastres de grande ampleur, dont un pays est long à se remettre.
Nous sommes dans un texte normatif. Nos règles du jeu. Il est marqué de manière indélébile par la duplicité. Ceux qui se sont trompés en croyant que le Conseil National était comme un Parlement (je n’en suis pas) ont été délibérément trompé par Bayrou. Ils ne sont pas fous. Bayrou est parfaitement conscient des effets de cette analogie, qu’il a utilité une nouvelle fois pas plus tard qu’hier devant les journalistes.
Il nous avait averti : “Les mots sont la matière première de la politique” (Commentaires, N°119, automne 2007, p. 721). La suite ?
Une onde de choc part du mot prononcé dont la vibration fait écho dans l’inconscient des hommes et dans celui des peuples. Et la démocratie d’opinion n’en amortit en rien les effets, elle les amplifie au contraire.
Il y a des mots dont la manipulation est dangereuse. Ils exploseront à la figure du petit alchimiste les uns après les autres, d’ici 2012.
Grâce à des gens comme vous, mon cher builfreedom, toujours prêts à lever les malentendus.
Amicalement,