Conflictualité interne et stratégie

(en réponse à Chouan53, sur e-soutien)

Il y a une dizaine de jours, j’en suis venu à cette idée : la troisième voie est une affaire trop sérieuse pour être entièrement confiée à des “centristes” ou à des “démocrates”. Ou pour qu’on la laisse se régler entre eux.

La meilleure façon de combattre le bipartisme, c’est peut-être de l’incorporer. Pas sous la forme d’une lutte pour le pouvoir, bien sûr. Mais sous la forme générale d’une négociation. Cela impliquerait une organisation très différente de la nôtre, qui n’a pas été conçue en vue d’une telle stratégie.

Au fond, nous avons deux fronts (Janus Bifrons, comme vous dites). Pourquoi unir nos adversaires dans le concept de bipartisme ? Ceux que nous pouvons rallier à nous, dans un camp comme dans l’autre, sont tous ceux qui préfèrent négocier avec l’autre camp plutôt qu’avec leur extrême. Pourquoi leur demander de “dépasser” les notions traditionnelles de gauche ou de droite ? Est-ce qu’ils ne montrent pas, dès qu’ils sont au pouvoir, qu’une bonne part de leur choix ne sont ni de gauche, ni de droite, pour le meilleur comme pour le pire ?

C’est la perspective de la fusion, puis la fusion elle-même, qui a installé en nous une crise permanente, une méfiance mutuelle et qui nous conduit à une dissolution lente, mais certaine. Quand on prétend offrir des idées neuves, il faut le faire dans des formes neuves.

Deux faits, pour illustrer mon propos.

1°) Il y a quelques jours, Etoile nous alertait : “Jean-François Copé, patron des députés UMP, a invité lundi son homologue socialiste Jean-Marc Ayrault à travailler “main dans la main” à la réforme des institutions.” Sous le titre : “Attention !!! Un pacte se dessine … entre l’UMP et le PS”. Elle ajoutait “… je n’ai pas l’intention d’accepter ce marchandage sur notre dos. Où est la démocratie !!!”.

Il me semble que ce marchandage n’a rien d’étranger à la démocratie. D’ailleurs, la veille, Etoile annonçait avec enthousiasme : “A Hambourg, les verts approuvent une alliance inédite avec la CDU d’Angela Merkel”. Cela met bien en relief le paradoxe.

2°) Un sondage récent, mentionné sur le site du MoDem, demandait de donner sa préférence, entre sept ministres actuels et Bayrou, pour être le prochain 1er ministre de Sarkozy. Question bizarre, mais passons.

Bayrou arrive premier, avec 58% de “ne souhaitent pas”, suivi par Kouchner, avec 59%, puis Alliot-Marie, 61%. Entre Bayrou et Kouchner, la différence paraît bien mince. Elle est cependant plus grande qu’il n’y paraît :

- Pour Bayrou, le déséquilibre est très marqué entre les sympathisants de gauche, qui sont favorables à 45%, et ceux de droite, qui ne le sont à qu’à 21%. Et ses propres sympathisants, contre sa propre position, sont 81% à le vouloir 1er ministre de Sarkozy (c’est donc chez ses sympathisants qu’il est le plus minoritaire sur cette question).

- Pour Kouchner, gauche 38%, MoDem 41%, droite 40% de préférences. Autrement dit, il est beaucoup plus “consensuel” que Bayrou dans l’opinion. Il incarne pourtant à lui tout seul le bipartisme dans toute sa splendeur.

Tout cela suggère qu’un certain bipartisme interne, s’il était institué, intégré, assumé, pourrait engendrer et ouvrir une troisième voie. Sa stratégie serait plus simple et plus efficace que la nôtre. Ses chances seraient bien plus grandes.

Vouloir être un mouvement “unitaire”, en position centrale, est peut-être une prétention absurde. A la fois impossible à réaliser, et contre-productive. Une conflictualité acceptée, vouée à se résoudre par la négociation, est moins dangereuse qu’une conflictualité d’autant plus vive qu’elle ne peut se manifester que par l’abus de pouvoir ou par la dissidence. Nos deux “fatalités”, comme vous dites.

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