Dialectique

(Sur e-soutien, en réponse à utah)

La preuve que je ne dis pas pas si bien les choses, c’est que je n’ai pas su me faire comprendre sur la question de la scission. Alors que c’est une affaire de dialectique, justement. Mais vers 6 h. du matin, il faut peut-être plus d’un café pour sortir la dialectique du brouillard.

La nécessité d’un bilan commence à se manifester. Prenons donc les choses selon la chronologie des occasions manquées. Manquées ? Plutôt évitées et contournées, à vrai dire. Il eût été à chaque fois plus lucide, plus élégant, plus intéressant et plus juste, d’un point de vue stratégique, de s’en saisir. Je ne dis pas plus simple, ni plus commode.

1. Octobre 2007. Ce que la Constituante aurait permis, c’est cette sorte de dialectique qui va du désaccord à l’accord et qu’on appelle la négociation. Une fusion négociée par nos représentants, plus lente à obtenir, nous aurait donné des statuts d’un autre genre que ceux de l’UDF. Mais nous aurions manqué une belle leçon de démocratie participative. Elle sera un jour mieux comprise.

2. Décembre 2007. Si le congrès avait eu le choix entre la fusion et une forme transitoire de confédération, une autre sorte de dialectique restait possible, entre chaque pôle, dont un aurait pu se constituer à partir des nouveaux adhérents. C’est la dialectique délibérative, par laquelle s’échangent et s’éprouvent les arguments de l’action. En outre, la fusion aurait pu se négocier entre les pôles.

3. Février 2008. Notre organisation comporte désormais une trame représentative. Bâclée, à la limite de la caricature, mais qui existe. En dépit du caractère irréversible de nos erreurs de conception, le processus de fondation reste inachevé, et d’autres erreurs restent évitables. A nouveau, deux voies s’offrent, l’une à l’ancienne, dans la continuité suicidaire de l’UDF, qui favorise les féodalités départementales, et l’autre, dialectique, qui mise sur le pluralisme (certes très artificiel) de la représentation des adhérents. Encore faut-il que cette fois, on accepte de négocier cette autre solution.

4. Mai 2008. Trois occasions de changer la tournure du processus de fondation ont été manquées. Le lifting est cicatrisé. L’UDF porte son nouveau costume. Un peu trop large du haut, un peu trop serré vers le bas. Et peut-être un peu trop voyant pour son âge. Passons. Est-elle désormais en mesure de progresser vers la réalisation de son projet ? Si la réponse est non, pour des raisons d’organisation, de culture, et de situation, que faire ? Et bien, nous pouvons encore une fois chercher notre salut du côté de la dialectique, prise cette fois dans son mouvement logico-temporel. On se sépare (sans rien négocier). De sorte que le un devienne deux. Et à deux, il devient à nouveau possible de négocier, pourvu que que les deux le veuillent. Thèse, antithèse, synthèse.

Il se pourrait bien que nous soyons contraints d’organiser cette manœuvre paradoxale, dans la bonne humeur, j’espère, d’ici quelques mois. Elle manifesterait de la fermeté, et non de l’hostilité. Il y a un moment où la proximité doit se substituer à l’intégration (si marginale qu’elle soit devenue, en ce qui me concerne). Ce moment, qui implique une rupture, advient lorsque l’intégration ne peut plus être assumée. Sigmund Freud caractérisait le travail du rêve par son indifférence à l’égard des contradictions. On a parfois du mal à se réveiller. Cela met du temps.

Je vais quand même préciser quelque chose. J’aime beaucoup la dialectique, dans toutes ses figures, logiques, matérielles, ou argumentatives. Mais jamais aucune de mes positions successives n’a été inspirée par une théorie ou par une méthode. Chacune d’elles s’est construite empiriquement dans le dialogue avec des gens : responsables de la Fédération de Paris, militants UDF, élus du Mouvement, nouveaux adhérents, ex-Verts, ex-UMP, ex-socialistes, ex-Ligue Communiste Révolutionnaire, ex-Front national, ex-Chevènementistes, etc. Mes positions se sont définies à partir de ces dialogues, en discutant de tout, et pas seulement de la constitution du Mouvement Démocrate. En parlant peu, en posant des questions, en buvant quelque fois (avec modération, sauf exception), et en écoutant beaucoup.

J’ai donc, je crois, une notion assez concrète de la consistance de notre consensus a priori. Je crois avoir une bonne notion, disais-je, de ses modes de conservation, de ses lignes de failles, et de ses propriétés explosives. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

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