Réponses à un militant

Ça me fait un drôle d’effet ce que vous dites. Comme si je vous donnais entièrement raison et entièrement tort en même temps. En y réfléchissant un petit peu, je crois que je peux résumer mon impression en disant que vous avez parfaitement raison, c’est clair et net, bien dit, mais à condition de prendre tout ça hors du contexte, hors de la réalité de notre processus de fondation. Et dès qu’on rapporte votre position à ce qui se passe, cela prend un tout autre sens, beaucoup plus discutable.

Ça mérite qu’on y regarde de plus près.

… mais pour disposer d’une organisation, il faut une hiérarchie et donc sortir de l’illusion que tout le monde peut décider au même niveau que les autres.

Moi je vois des gens qui contestent ce que font d’autres gens au dessus d’eux. Qui vont parfois jusqu’à contester le fait que ces gens-là soient au dessus d’eux. Mais ce n’est pas le principe de la hiérarchie qui est en cause. C’est la légitimité de telle position, mal acquise, mal occupée, ou les deux.

Notre Mouvement est à deux étages, avec tout l’ancien encadrement de l’UDF en haut, ainsi que les élus issus d’ailleurs qui les ont rejoint, et en bas, un mélange d’UDF souvent plus jeunes et de nouveaux adhérents. Alors la hiérarchie, elle y est.

Sauf qu’elle est incapable d’assumer correctement son rôle. C’est l’anarchie par ici, la féodalité par là. Et des conflits partout. Sans arbitrage. Il manque donc à la fois la légitimité et l’efficacité.

Il faut aussi arrêter d’imaginer qu’on peut créer un parti à partir de rien. Ce n’est pas vrai et c’est je crois dangereux de persister à le croire.

Là aussi, je suis d’accord. Mais personne ne dit le contraire. Sauf qu’au départ, pour créer ce mouvement, on était trois : il y avait l’UDF, CAP21, et tous les autres. Cela faisait en gros deux cultures très différentes, l’une, tournée vers la conquête et la conservation des mandats publics, l’autre plus concernée par la citoyenneté. Deux versants de la démocratie.

Alors créer ce mouvement seulement à partir de l’UDF, lui donner la même structure et les même statuts que l’UDF, et remplir ses instances avec des gens de l’UDF, ce n’est pas “créer un parti”, c’est lui donner un autre nom. Et adhérer à l’UDF, c’est précisément ce que les 40 000 citoyens qui ont rejoint le Mouvement se refusaient radicalement à faire, en disant et répétant que si c’est ça, ils s’en iraient.

Les deux cultures au lieu de s’articuler, sont l’une au dessus de l’autre. Elles se heurtent donc, et on exploite ce heurt, selon les intérêts des uns et des autres. Dans ma section, nous avons perdu beaucoup de monde, et beaucoup d’enthousiasme, beaucoup d’énergie. Il ne se passe pas un jour, dans la campagne, où notre fédération ne nous prouve pas son inefficacité, soit logistique, soit tactique, soit médiatique, soit gestionnelle. Si vous voulez que j’illustre la chose, pas de problème.

Il est dangereux de persister à croire que l’encadrement de l’UDF peut conduire ce Mouvement efficacement. Il est tout aussi dangereux de croire que l’on arrive à en donner l’illusion. La fusion a échoué.

Ca rend excessivement méfiant vis à vis des “anciens”, ça fait croire qu’il y a un “esprit modem” pur et que “les autres” sont finalement un peu souillés de leurs anciennes appartenances, et à force de méfiance on finit par se faire des coups bas au cas où… par prévention.

C’est vrai. Au départ, il y avait beaucoup de préjugés et de malentendus côté adhérents. Ils auraient dû être combattus. Ils ne connaissaient pas grand chose aux différentes sensibilités de l’UDF. Ils avaient souvent cette vision simpliste pur / impur. D’où une méfiance a priori. Tout cela, je le confirme.

Il y avait aussi des préjugés assez énormes côté UDF. Passons.

Cette méfiance mutuelle, c’était une difficulté de départ, qui aurait dû conduire à chercher d’urgence des moyens de la surmonter. Car vous l’avez bien vu, la méfiance finit par produire ce qu’elle redoute. Au bout du compte, on se retrouve vous et moi, qui étions faits pour nous entendre, dans deux camps opposés.

Pendant six mois, j’ai fait tout mon possible pour l’éviter.

Résultats, si l’UMP, le Nouveau Centre et le PS réunis voulaient démonter le Modem: ils ne feraient pas mieux.

Nous sommes en train de nous auto-détruire, c’est vrai. C’est prévisible. C’est évitable. Il fallait commencer par accepter que les nouveaux adhérents soient représentés dans une négociation du processus de fusion.

Résultat aussi, les méchants ne sont pas où on le pense, mais quand on s’en aperçoit il est bien tard pour agir puisqu’on a aucune structure claire de fonctionnement. L’UMP est un parti puissant parce que même si son fonctionnement interne est brutal et peu démocratique, il est discipliné et que les règles sont connues. Et globalement il atteint son but: gouverner et développer son idée de la France.

Il est bon de rappeler que le but, c’est de gouverner, plus précisément, de conduire un gouvernement selon certaines orientations, sur lesquelles il va falloir s’entendre. Pour atteindre ce but, nous devons pouvoir rapidement rivaliser de puissance avec l’UMP et avec le PS. Rallier à nous beaucoup de gens, y compris de futurs députés et de futurs ministres, en produire aussi, et les préparer à leur tâche. Concevoir en détail notre Projet. Nous avons eu largement le temps de concevoir notre stratégie et de nous organiser. Or, au bout de huit mois, nous ne sommes pas en état de marche, et de toute façon, nous ne savons pas où nous allons.

Je le précise, au passage. L’exemple de l’UMP ne doit pas être compris de travers. Certaine organisations n’ont pas besoin de démocratie pour être efficaces. D’autres, sans démocratie interne, sont totalement impuissantes.

Bref, les élections au CN aurait pu aider à clarifier la situation. Mais il aurait sans doute fallu au moins une note d’information officielle venant de tout en haut.

Comme c’est gentiment dit. Passons.

Bon, pour ma part, au terme de ce commentaire, j’en arrive à la conclusion suivante. Les nouveaux adhérents ont une grande part de responsabilité dans la situation actuelle. D’abord parce qu’ils ont crû et laissé croire qu’une fusion pouvait se faire sans qu’ils la négocient avec les fondateurs. Ensuite parce qu’ils ont brouillé l’esprit de Bayrou, qui s’imagine pouvoir être maire à Pau, faire son travail de député isolé, et conduire un parti avec le groupe UDF du Sénat pour tout état-major, à peu de chose près. Comment lui ont-ils brouillé l’esprit ? En perdant tout sens critique, en se tournant vers lui à chaque difficulté, en lui faisant croire que leur confiance en lui serait inébranlable.

Mais il y a aussi de lourdes responsabilités de l’autre côté. Et d’autant plus lourdes que c’est de cet autre côté qu’était tout le pouvoir.

Tant que l’on ne prendra pas conscience de cet échec, sous tous ses aspects, ce qui demande du courage, le Mouvement Démocrate sera incapable de rivaliser avec ses concurrents. Si bien que Bayrou, une fois président, ne pourra rien faire.

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.