Scrutins de liste

(en réponse à Archeo sur e-soutiens)

Je ne suis pas favorable aux scrutins de liste. Mais ils ont des qualités :

- si l’on veut tendre vers la parité des femmes et des hommes dans la représentation des citoyens et l’exercice des mandats publics - ce qui ne se fait pas tout seul - les contraintes de parité que s’imposent les membres d’une organisation politique dans ses propres scrutins de liste y contribuent efficacement ;

- la sélection sur le critère de la capacité à s’associer n’est pas mauvaise en elle-même, même s’il n’est pas possible de distinguer entre : a) des modalités d’association faites en vue d’un bien commun, b) d’autres, compatibles avec le bien commun, quoique défendant les intérêts des uns contre ceux des autres, c) des modalités d’association fondées sur l’intérêt de leur membres, dans les limites de la légalité, d) des modalités d’association liées à des entreprises illégales ;

- sans être une contrainte attachée au scrutin de liste, la notion de projet collectif est en soi un critère de sélection positif, même si l’objet de l’entente est moins sincère que l’entente elle-même ;

- le projet collectif donne un contenu d’engagement au mandat électif, même si, là encore, il existe des degrés d’engagement variables ;

- la sélection, à travers l’entente et l’engagement, agit sur la qualité du projet lui-même, avec là encore des réserves de toutes sortes, y compris celle d’exclure des ruptures créatrices, des innovations, des anticipations qui tendent à se manifester d’abord comme des singularités isolées.

Ayant dit cela, il me semble bon de critiquer le scrutin de liste. Je propose de le faire à travers le cas présent : celui de l’élection du collège des adhérents au Conseil National de notre Mouvement.

Une remarque, pour commencer. Les contraintes de listes auxquelles tout le monde semble se plier ne sont pas conformes à nos statuts. Ceux-ci prescrivent d’ajouter 10% au nombre de sièges à pourvoir, et non 50%. Ce n’est bien sûr pas une erreur. C’est un abus délibéré de la position des organisateurs du scrutin. Il manifeste très clairement que la contrainte du nombre est favorable à leurs intérêts. Et qu’ils n’hésitent pas à trangresser ouvertement les règles toutes fraîches de nos statuts.

Quels intérêts défendent-ils ? Le spectre est large, depuis la commodité logistique des opérations, jusqu’à la spéculation sur l’avantage organisationnel de l’UDF. En passant par les intérêts authentiques du Mouvement, dans la mesure où certaines contraintes ont des effets positifs, comme je l’ai montré plus haut.

Le maintien des nouveaux adhérents dans la dispersion (dans certaines fédérations, comme à Paris, ils n’ont été invités à se réunir qu’une fois en 7 mois) trouve ici sa logique : il porte à son comble l’inégalité d’accès aux responsabilités, et l’inégalité du partage des pouvoirs qui en résulte. Il assure aux héritiers des fondateurs du Mouvement une présence au conseil National très supérieure à la proportion qu’ils représentent en tant qu’adhérents.

Il n’y a cependant pas de listes officielles qui les représentent en tant que tels. De même qu’il n’y a pas de listes officielles de CAP21. Il est peu probable, cependant, que les candidats issus de CAP21 se dispersent sur plusieurs listes. Ce qui est remarquable, du point de vue de la sociologie du Mouvement, c’est que d’anciens membres de l’UDF sont à l’origine de toutes les listes d’ampleur nationale, et probablement aussi de presque toutes les listes limitées à une région. Pour s’en tenir à celles qui seront complétées dans les délais.

Autre remarque à cet égard : les membres de l’instance correspondant au Conseil National dans les statuts de l’UDF, le Bureau National, ont reçu individuellement le réglement des modalités de ce scrutin plusieurs jours avant qu’il apparaisse sur le site officiel du Mouvement. Tandis qu’à l’opposé, d’autres adhérents, qui ne fréquentent pas ce site, en ignorent tout, encore aujourd’hui. Projetée dans la dimension temporelle, les inégalités que j’évoquais se traduisent par de l’avance ou des retards dans la constitution des listes, selon qu’elles s’appuient sur des réseaux de relations déjà constitués ou se constituant.

On voit que le scrutin de liste est sensible au temps. Il l’est également à la géographie. Moins on est préalablement intégré aux réseaux d’une organisation, plus la proximité géographique commande la constitution des listes : de régionales, elles deviennent départementales. Si je voulais faire une liste, elle couvrirait 3 ou 4 arrondissements de Paris. Ses chances seraient infimes.

Est-ce que les effets positifs du scrutin de liste, tels que je les ai mentionnés, se manifestent, dans cette situation particulière ? Je constate que les listes d’ampleur nationale ont toutes une forte tendance consensuelle, a-critique, unitaire. En dépit de la diversité des groupes qui constituent le Mouvement, et des contradictions non résolues qui y cohabitent, aucune liste ne proclame ouvertement une idée qui pourrait rencontrer une contradiction interne. Nous avons donc en concurrence des synthèses a priori, qui prétendent toutes intégrer toutes les sensibilités. Cela implique l’évacuation de tout engagement concret lié aux échéances immédiates : approbation de la composition du Bureau Exécutif, contrôle de son action en matière d’investitures pour les municipales, orientation de l’élaboration du réglement intérieur, etc. J’y vois la marque d’une inspiration issue de l’UDF, colorée diversement, mais faiblement, selon des alliances qui restent implicites.

Bref, d’après les professions de foi, les adhérents auront à choisir entre plusieurs listes de candidats portant tous à peu près le même masque. la plus grande partie du champ de questions et d’idées débattues au sein du Mouvement a été délibérément désertée par tous ceux qui étaient en mesure de constituer des listes d’ampleur nationales. C’est un effet paradoxal du scrutin de liste, qui tend plutôt de lui-même à créer des tendances, ou des courants. La discipline unitaire, au lieu de clore le débat, en tient lieu.

Entre les trois ou quatre listes dont je parle, je ne vois pas comment on pourrait avoir une préférence significative. Si le résultat de ce scrutin peut avoir une influence sur l’orientation du Mouvement ou sur son organisation, il me paraît impossible, d’après les professions de foi, de dire de quelle manière et dans quelle direction elle se produirait.

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