Formes d’engagement et ressources humaines du Mouvement

Réponse de Bayrou à la question “Comment on peut apporter nos idées, notre créativité ?“, avec mes commentaires insérés :

Il faut que vous m’aidiez à trouver la réponse.

Il y a maintenant six mois que nous sommes des milliers à proposer notre aide, à suggérer des réponses, à les expérimenter, et que nous faisons face stoïquement à l’incompréhension et à la méfiance.

Bayrou se trompe d’ailleurs du tout au tout en croyant que c’est à lui de trouver la réponse avec notre aide. Un processus d’innovation, cela s’organise à partir du moment où des gens (ni un seul, ni tout le monde) en ont la responsabilité et les moyens.

Il faut donc que le Mouvement dispose, à côté de son Conseil Stratégique, d’un Laboratoire de Recherche et de Développement des Outils et des Processus Participatifs. Cela relève de l’outillage de l’intelligence collective et son organisation, avec des visée pragmatiques de soutien à l’exécutif du Mouvement.

Pour l’instant, je ne sais pas comment on fait travailler ensemble 20000 personnes.

Pour l’instant, et depuis des mois, en effet. Mais pourquoi “Je” ? Quelle importance, si d’autres le savent ? Faut-il absolument attendre qu’une personne, au sommet, sache comment on fait travailler ensemble 20 000 personnes, pour commencer à travailler ? La question n’a pas de sens. Personne ne le sait, tant que des buts ne sont pas fixés. On organise les ressources dont on dispose en fonction de la stratégie. Et c’est dans la stratégie qu’on s’est choisie que se trouvent les bons critères pour juger de l’organisation.

S’il n’y a pas d’autre stratégie que de tenter de maintenir tous ces gens ensemble, il ne reste plus qu’à leur dire, en effet : “je ne sais pas quoi faire, aidez moi”. Car ça les occupent. Ils s’agitent dans tous les sens. Mais c’est un mode de contrôle qui s’use vite.

Et sur les 60000 adhérents réels que nous sommes, il y en a peut-être 20000 qui veulent apporter des idées.

Non. Ce n’est pas ça. Il y a en effet peut-être 20000 personnes qui pensent qu’un parti de structure classique serait incapable de rivaliser avec les autres, de rassembler, de gagner des élections, de progresser vers les buts qu’il se donne. 20000 personnes qui sont consternées de voir que l’illusion d’une UDF rajeunie et remplumée prend corps dans l’avant-projet de statuts.

Il ne s’agit pas pour ces gens “d’apporter des idées”. Cela, on le verra plus tard. Pour l’instant, il s’agit de s’organiser en fonction d’une stratégie qui, si elle veut faire plus que porter un homme à la Présidence, doit nécessairement s’appuyer sur l’énergie, l’inventivité, les compétences, et le travail d’un grand nombre de personnes. Cela 20000 personnes d’accord sur une idée. D’accord pour lui donner le plus haut rang dans nos principes d’action. D’accord pour lui donner la priorité dans dans nos principes d’organisation.

Imaginez qu’à un meeting politique 20000 personnes apportent une contribution ? personne ne peut les lire, 20000 contributions !

Belle image du chaos. Mais à double tranchant. Quand on a tardé pendant cinq mois avant de communiquer aux sections les listes qui permettaient aux nouveaux adhérents de faire connaissance entre eux, on est mal placé pour évoquer la dispersion des contributions. Cette dispersion a été voulue, entretenue, dans l’attente de savoir quoi faire d’autre. Il est bien évident que sans communication interne, il n’y a pas de possibilité de s’accorder sur des contributions collectives. Et c’est très exactement ce que nous tentons de faire comprendre depuis six mois en vain.

Autrefois j’ai eu 2 millions de réponses à une consultation, celle du “nouveau contrat pour l’école”, vous n’étiez pas nés. Comment on fait pour lire, étudier 2 millions de réponses ? On fait des sondages, on prend une réponse sur cent,… ça fait 20000 réponses. Évidemment c’est très frustrant de ne prendre qu’une sur cent.

Non, Monsieur Bayrou. Ce n’est pas ainsi qu’on traite le produit de la consultation des citoyens. Car procèder de cette manière, c’est faire l’aveu qu’on les a trompé. Qu’on ne disposait de la capacité d’entendre les avis qu’on leur demandait. Et encore moins d’en tenir compte. Voilà comment le consultatif et le participatif, deviennent les moyens d’un leurre, au lieu de servir comme ils le devraient. Vos exemples sont décidément à double tranchant.

Il me semble que dix ans plus tard, d’autres, mieux organisés, ont fait mieux, en laissant les gens débattre sur l’Ecole, et donner leurs conclusions, établissement par établissement. Au moins, on sait un peu mieux ce qu’ils disent. On ne s’est donc pas complètement moqués d’eux.

Donc, vous qui êtes des génies d’internet, des habitués à tout ça, des managers, des gens des ressources humaines, qui connaissez des, [je ne] sais pas quoi, les modèles participatifs, les systèmes…, vous allez m’aider à ça.

Non, Monsieur Bayrou. Cela ne se passe pas entre vous et nous. Nous ne sommes pas des génies. Ni nous, ni vous. Il faut nous donc un peu d’humilité, pour bien mesurer les difficultés qui nous attendent. Vous avez d’autres occupations. Il faut faire confiance à d’autres sur ces questions. Les laisser s’organiser, leur donner des moyens. Il vous suffira de voir si ce qu’il proposent est conforme à la stratégie du Mouvement. Ce sera à vous d’en juger. En fonction d’une stratégie. Sans démagogie.

Mais moi tout seul je ne peux pas trouver la réponse,

C’est vous qui vous croyez tout seul. Bien sûr que vous ne pouvez pas trouver la réponse, tant que vous croyez tout seul. Et cela dure depuis six mois. La réponse, c’est précisément que vous n’êtes pas tout seul. Quand d’autres seront responsables de la question, il trouveront des réponses, eux. Il suffira que les buts du Mouvement soient clairs. Nous devons organiser nos ressources en fonction de nos buts.

et le siège - le siège vous savez bien c’est 20 personnes en tout et pour tout sur lesquelles il y en a 3 qui font de l’administration, 2 pour la communication c’est-à-dire de répondre à la presse, il y en 4 ou 5 qui s’occupent du terrain et des fédérations, et pour répondre à tous ces interventions il y en a deux… Vous voyez les limites…

Pourquoi avoir mis notre Mouvement en congé pendant des mois, alors qu’il suffisait de recruter parmi 20000 qui se déclaraient disponibles, avec les compétentes les plus diverses ? Comment peut-on se prévaloir d’une erreur pareille comme d’une excuse ? Et devant ceux qui, précisément, se sont mis au service du Mouvement les premiers.

Donc il faut nous fournir des modèles clés en main.

Décidément, non, Monsieur, encore une fois, je ne suis pas d’accord avec vous. Si nous voulons rivaliser avec nos deux principaux concurrents, il nous faut construire notre Mouvement tout autrement qu’avec des solutions “clés en mains”. Nous allons devoir innover, être audacieux, et rigoureux.

Nos ambitions exigent un exécutif fort, appuyé par des processus qui font de la participation un véritable soutien d’état-major, celui qui vous manque si cruellement. Car participer, ce n’est pas seulement donner son avis, c’est aussi documenter, renseigner, analyser, inventorier, signaler, explorer, cartographier, et mille autres choses aptes à servir vos délibérations.

Le participatif, ce n’est pas seulement une question de démocratie, c’est aussi une question d’aide à la décision. Et il faudra vous accommoder de la première, parce que vous allez avoir le plus grand besoin de la seconde.

Je suis prêt à utiliser tout le monde, mais je ne sais pas utiliser tout le monde. Et je ne suis pas sûr que vous sachiez tous non plus comment faire. Parce que depuis que je lance des appels pour qu’on me trouve des modèles, pour l’instant je n’ai pas eu de réponse absolue à tout ça !

Nous savons très bien comment faire. Cela consiste, pour commencer, par vous dissuader de vous en occuper vous-même. Tout ce que vous dites ne fait que confirmer que vous n’avez pas pas le moindre sens de l’organisation. Il faut de toute urgence céder à d’autres le pouvoir et les moyens de régler ces difficultés. Ce n’est d’ailleurs pas votre rôle. Vous ne sauriez pas non plus choisir ces gens vous-même ? Alors le choix aussi, il faudrait en confier à tâche à d’autres. Mais lesquels ? Allons, vous voyez bien que nous tournons en rond, par votre faute.

D’ordinaire, lorsqu’on conduit une grande organisation, on s’entoure de gens de cultures et d’expériences diverses, et on leur confie des missions, en même temps que le pouvoir et les moyens de les accomplir.

Ça suffit pas de dire “on est compétents, utilisez-nous” !

Ce réseau de dizaines de milliers de personnes compétentes, et engagées, et nouvelles, c’est un trésor, c’est une mine, mais la mine il faut la mettre en exploitation, et je n’ai pas la capacité personnelle d’inventer seul ce réseau, la mise en exploitation de cette mine. Je sais pas si je me suis bien fait comprendre ? (oui, oui). C’est pas de [la] mauvaise volonté.

Quitterie Delmas : Je trouve que là-dessus il y effectivement un problème de ressources humaines, surtout, il y a des solutions de ressources humaines à trouver, il y a plein de gens experts, il y a plein d’idées qui sortent de partout, il y a moyen de l’organiser à partir du site lesdemocrates.fr, en demandant aux personnes qui sont compétentes sur tel ou tel domaine… de les fédérer, de les réunir…

François Bayrou : Mais écoutez, que les personnes compétentes se mettent en mouvement toutes seules !

J’ai besoin d’automoteurs, j’ai pas besoin de gens - enfin, évidemment je les aime beaucoup et tout,… mais il suffit pas de venir me voir en disant “je suis disponible”. Tous ceux qui viennent me voir, il y en a eu encore cinq aujourd’hui qui avaient rendez-vous, qui disent “je suis disponible”, je leur dis : “Dites-moi ce que vous savez et pouvez faire, et prenez les choses en main”.

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