Petits faux pas et vrai grand fossé, comédie en cinq actes
Acte I
Strasbourg, le 12 février 2007. Un meeting de la campagne présidentielle. Bayrou dit ceci :
“Nous savons pourquoi les Français ont voté « non ». Ils ont trouvé le texte de la Constitution européenne illisible. Ils ont pensé que cette obscurité était voulue pour faire passer un projet de société, par exemple, matérialiste et marchand, qui n’aurait pas leur accord. Ils ont craint que l’élargissement continu de l’Union n’enlève à l’Europe son identité, et que de ce fait, l’Europe se retrouve sans visage et sans mémoire.
Ces craintes étaient-elles toutes infondées ? Nous savions bien que non. Mais nous avons pensé que les avancées vers une Europe devenue démocratique, conjureraient toutes ces craintes.
Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans une situation que nous ne connaissions pas. Nous avons été pendant des décennies, les héritiers des pères de l’Europe. C’est à notre tour de redevenir humblement les pères de l’Europe à notre manière. Pères à notre tour, puisque le projet doit être profondément repensé et réinspiré.
C’est pourquoi nous agirons de manière transparente aux yeux des Français. Nous mettrons dans le débat un texte, simple, lisible, court, sans ambiguïté, qui donnera forme aux principes d’une Union européenne sortie de ses paralysies et de ses impasses.
Je prends devant vous l’engagement - qui est au contraire du choix de mes concurrents - qu’aucun texte ne sera adopté par la France qui ne le soit aussi par les Français. Ce qu’un référendum a décidé s’impose tant qu’un autre référendum n’est pas intervenu. Ce référendum pourrait avoir lieu en 2009, à l’occasion des prochaines élections européennes.”
François Bayrou, ayant fait campagne pour le “oui”, percevait cependant dans le “non” toute la crise de la démocratie. Comme Ségolène Royal, qui s’engageait elle aussi sur la voie référendaire. Il prétendait au passage que son engagement était “au contraire du choix de [ses] concurrents“. Exclusivité de pacotille, mais dont ses fidèles font une monnaie de bon aloi : “Bayrou, le seul homme politique qui …” …. plane au dessus des contradictions, sans en être affecté, au contraire.
Il oubliait de nous expliquer que selon lui, une victoire de Sarkozy équivaudrait à un nouveau référendum, annulant le précédent. Ce qui le conduirait, comme représentant du peuple, à voter en faveur de la ratification d’un traité ni “simple”, ni “lisible”, ni “court”, ni “sans ambiguïtés”. Sacrifiant ainsi sans la moindre résistance la condition du référendum, d’abord, puis celles de la transparence du traité, pour faire bonne mesure. C’est toute la comédie jouée entre l’acte II et l’acte IV, dont les moments les plus intenses sont rapportés ici.
Acte II
Le 24 mai 2007, lors de la campagne législative, au Zénith, par ordre d’apparition.
Marielle de Sarnez :
“Moderne, parce que chaque fois que le pouvoir ira dans la bonne direction, nous le dirons et nous l’approuverons. Ainsi, j’ai été heureuse de voir Nicolas Sarkozy abandonner son idée de « mini-traité » pour l’Europe. S’il soutient un projet de traité qui reprenne la substance de la Constitution, notamment dans toutes ses avancées démocratiques, comme le demande Angela Merkel, et qui reprenne aussi, comme le demande Romano Prodi, la Charte des droits fondamentaux, alors nous le soutiendrons et nous le dirons.”
A ce moment précis, je me souviens d’avoir échangé un regard avec mes amis du Partito Democratico, puis cherché vainement dans la foule exaltée le visage de quelqu’un prenant conscience de ce qu’il allait en coûter, en voix, d’escamoter ainsi la question du référendum.
François Bayrou :
“J’approuve l’évolution de Nicolas Sarkozy quand il défend désormais non plus un mini-traité mais un traité simplifié en matière européenne. Je pense qu’il est possible de trouver un texte institutionnel qui reprenne les grands principes démocratiques qui inspiraient le texte de la constitution, d’en faire un texte simple, lisible, compréhensible. Nous aurons sans doute des débats, quand ce texte sera adopté, sur la manière de le ratifier. Mais dans le travail qu’il va falloir faire, et qui ne va pas être facile, pour convaincre nos partenaires européens, spécialement ceux qui ont déjà ratifié le traité constitutionnel, j’estime qu’il faut dire que les premiers pas vont dans la bonne direction.”
Au moment où l’on va élire les députés qui auront à réformer la Constitution pour se donner ensuite le droit de ratifier eux-mêmes ce traité, l’exigence du référendum a disparu, recouverte par un immense soulagement : le traité n’est plus désigné par Sarkozy comme un “mini-traité”, mais comme un “traité simplifié”. Le chèque en blanc sarkozien est paré de cette consensualité a priori qui exerce sur le centriste un attrait puissant. Du sillon originel à l’ornière d’aujourd’hui, elle le guide toujours, jusque dans le plus petit de ses faux pas.
Acte III
Le 2 novembre, dans le Figaro, Bayrou :
“En revanche, approuverez-vous le traité de Lisbonne ?
On nous avait annoncé un traité simplifié. C’est en fait un traité compliqué, qui a été éclaté en des centaines d’amendements pour que les objections disparaissent. S’agissant de la mécanique institutionnelle qu’il met en place, le traité convient à peu près et c’est la raison pour laquelle je voterai la ratification. Mais pour l’âme, c’est le désert. On a enlevé tout ce qui donnait chair et espoir à l’idéal européen.”
Le “traité simplifié” est devenu un “traité compliqué”. Mais on ne lui dit pas non pour si peu. Il manque en outre tous les symboles que le traité soumettait au référendum en 2005 : on le regrette, sans voir que s’ils y étaient, le traité serait l’équivalent de celui que les Français ont majoritairement refusé. Quant à la démocratie, sacrifiée dans le principe comme dans les modalités, elle est devenue une “âme”, comme tous ceux qui meurent. Il ne reste de l’engagement pré-électoral que la nostalgie de “la chair” et de “l’espoir”.
“Regrettez-vous que le traité de Lisbonne ne soit pas soumis au référendum ?
Pendant ma campagne, j’avais défendu l’idée d’un référendum, en expliquant qu’il ne fallait pas avoir peur du peuple sur le grand sujet européen. Nicolas Sarkozy s’y était opposé clairement et c’est lui qui a été élu. De surcroît, le texte est devenu carrément illisible pour un citoyen normal. Mais ma crainte est que le fossé se creuse un peu plus entre l’Europe et les citoyens.”
Extraordinaire explication de vote : ” … c’est lui qui a été élu“. Et les députés ? Ne sont-ils pas élus, eux aussi ? Etrange conception de la séparation des pouvoirs. Etrange conception de la responsabilité des représentants du peuple. Etrange conception du référendum. Etrange conception du mandat présidentiel. Pour Bayrou, l’élection de Sarkozy comporte un “oui” implicite à un traité en blanc. Avec des députés de cette trempe, un président peut s’épargner de faire un coup d’état. Qu’on leur dise où il faut signer, et ils signent.
Bayrou ne se contente pas de donner sa voix d’avance à un texte “carrément illisible”. Dans son enthousiasme, il devient lui aussi “carrément illisible”. Quand au fossé “entre l’Europe et les citoyens”, Bayrou le creuse avec compassion, mais le creuse bien profond.
Le 12 décembre, déclaration de Marielle de Sarnez :
“Demain jeudi 13 décembre, 16 des 27 Etats membres de l’Union européenne qui signeront le Traité de Lisbonne assortiront cette signature d’une Déclaration d’attachement aux symboles de l’Union. La France ne s’associera pas à cette déclaration. Commentant cette décision, Marielle de Sarnez, présidente de la délégation Mouvement démocrate, a déclaré : “À la veille du sommet de Lisbonne, je demande au président Nicolas Sarkozy de revenir sur sa décision et de s’associer aux 16 pays signataires. Pour tous les citoyens européens, le drapeau, l’hymne, la devise, l’euro, la journée du 9 mai symbolisent leur appartenance à l’Union. À l’heure où la France avec ses partenaires doit repenser un projet européen ambitieux, il convient de défendre ce qui incarne l’Union dans ce qu’elle a réussi de plus précieux”.”
On insiste donc : pour annuler le non au référendum, l’idéal serait que le traité comporte tous les éléments qui ont été soumis au référendum en 2005. La chanson, le badge, bref, tout, du packaging au merchandising.
Acte IV
Le 10 février, Bayrou, en clôture de la Convention Municipale du Mouvement Démocrate :
“Comme vous le savez, j’évoquais le traité de Lisbonne, je dois vous dire que je l’ai voté sans aucun enthousiasme d’aucune sorte. Je l’ai voté parce que je n’ai jamais voté contre l’Europe et que, donc, chaque fois que l’on me propose quelque chose qui est : On va faire un pas en avant, je dis : D’accord, banco, je ne serai pas celui qui va être un frein dans quelques déplacements que ce soit de l’Europe, mais, quand je regarde ce qu’il faudrait pour l’Europe et ce que le traité de Lisbonne lui offre, je vois un gouffre, je vois la nécessité absolue, au fond, les 2 nécessités absolues. De quoi a-t-on besoin ? On a besoin que l’Europe se considère comme un acteur politique de premier plan et, pour que cet acteur politique puisse jouer son rôle, il faut une vie politique européenne dans laquelle les sujets devront être débattus devant les citoyens et dans laquelle ils puissent s’engager par leur vote pour que les dirigeants suivent ce que les citoyens et les peuples veulent. C’est cela qu’il faut pour l’Europe.
Alors, le traité de Lisbonne donne un tout petit peu de l’un, une voix politique peut-être un peu mieux élaborée et rien du tout de l’autre : la vie démocratique dont l’Europe a besoin.
Vous verrez que ce sujet-là va devenir, pour les peuples européens, un sujet obsédant parce qu’il n’est pas possible de considérer que l’avenir d’un vaisseau comme le vaisseau européen se détermine simplement parce qu’il y a une réunion du G4 ou du G5, du G6, du G7 à géométrie variable entre des dirigeants qui considèrent qu’ils ont des dialogues secrets et que les peuples n’ont rien à en savoir.
Cela est une question pour nous démocrates et militants européens. C’est une question de citoyens.
Le jour viendra nécessairement où il faudra que la France, parce qu’il n’y a que la France qui puisse faire cela, il n’y a que la France qui ait clairement cette idée, propose à l’ensemble de ses partenaires européens d’avoir cette mutation profonde qui entraîne, non pas la disparition des politiques nationales, mais enfin le dialogue des politiques nationales pour déterminer une politique européenne.”
Voter en faveur de la ratification du traité par la France, c’est voter “pour l’Europe” ? Laquelle ? Celle qui creuse le fossé entre elle et les peuples. Pourquoi pour cette Europe-là ? Parce qu’il n’y en a pas d’autre. Et pourquoi n’y en a-t-il pas d’autre ? Parce que ce qui intéresse la classe politique, presque unanime, ce n’est pas l’Europe, c’est le fossé qu’elle creuse. Elle le veut large et profond. Comme un gouffre, dit Bayrou. La poliorcétique d’Enée le Tacticien s’enveloppe des métaphores de Victor Hugo.
Pourquoi le politicien classique veut-il munir son territoire d’un fossé si large et si profond ? Parce qu’il ne méconnaît pas la crise de la démocratie. Ayant appris à l’exploiter, il devine qu’elle pourrait un jour ne plus se prêter à ses jeux. Car l’exploiter l’envenime, et l’éloigne de toute issue.
Mais au fait, n’est-il pas temps de longer un peu ce fossé, pour voir où il va ? Le fossé qui parcourt l’Europe et sépare ses institutions de ses peuples, si l’on n’a pas oublié le décor de l’Acte I, c’est aussi celui qui traverse chaque espace politique national, pour séparer la classe des politiciens et celle des citoyens.
Et c’est encore ce même fossé, creusé ces douze derniers mois entre les uns et les autres, qui se prolonge à l’intérieur du Mouvement Démocrate, et partage désormais quelques centaines de politiciens professionnels pourvus de mandats publics, d’un côté, et quelques milliers de citoyens dévoués de l’autre. Oui, c’est le fossé entre la culture du monde politique et celle du monde civique, qui est venu se creuser jusque dans ce mouvement, à coup de statuts pyramidaux, de réglements astucieux, d’intrigues, de manipulations et de tricheries. Avec le même esprit d’accaparement d’un côté, et le même dessaisissement euphorique ou stupéfié de l’autre.
Bayrou croit nécessaire de faire le sacrifice de la démocratie pour “faire un pas en avant” vers l’Europe. Faut-il que l’Europe s’écarte encore des peuples parce qu’elle doit avancer coûte que coûte ? Ou bien faut-il que les politiciens se mettent à l’abri des citoyens en creusant le fossé européen ? La réponse se laisse lire dans le processus de fondation du Mouvement Démocrate. Non par analogie, mais dans la continuité du phénomène. On sacrifie la démocratie, parce qu’il faut avancer. Ici comme ailleurs, dans un même geste. C’est cela, le Mouvement Démocrate.
Lisez bien ce que dit Bayrou : “D’accord, banco, je ne serai pas celui qui va être un frein dans quelques déplacements que ce soit de l’Europe, mais, quand je regarde ce qu’il faudrait pour l’Europe et ce que le traité de Lisbonne lui offre, je vois un gouffre, je vois la nécessité absolue, au fond, les 2 nécessités absolues.”
Après hésitation, non pas une, mais deux “nécessités absolues”. Le renforcement de l’exécutif et la “vie démocratique”. Quel dommage que pour répondre à une nécessité absolue, il faille toujours sacrifier l’autre : ” … le traité de Lisbonne donne un tout petit peu de l’un, une voix politique peut-être un peu mieux élaborée et rien du tout de l’autre : la vie démocratique dont l’Europe a besoin.” Banco ! Bayrou bascule dans le consensus propre à la classe politique. Le même qu’en 2005, restauré. Intact. Amnésique.
Le lendemain matin, 11 février, sur France Inter. Compte rendu du site du Mouvement Démocrate :
“Alors que le processus de ratification du traité de Lisbonne progresse et après l’intervention du chef de l’Etat, François Bayrou a donné “acte” au “dépannage de la situation institutionnelle de l’Europe” tout en regrettant que nous ne soyons pas parvenu à “un traité simple, court, lisible, compréhensible par tous, dans lequel soient rappelés ou soient mis en place des principes nouveaux pour l’Europe qui seraient : place aux citoyens pour qu’une démocratie permette de faire entendre leur voix.” Précisant son analyse du traité de Lisbonne, il a notamment souligné : “Disons que pour la mécanique, ça va à peu près : on va sans doute, si ça arrive à son terme, voter un peu plus facilement sur un plus grand nombre de sujets. Il y aura une autorité d’organisation, un Président pour l’Europe” ajoutant : “du point de vue de l’esprit européen, il n’y a rien, et en particulier le fait que le texte soit incompréhensible par tout citoyen autre qu’un docteur en droit européen, ceci est une pénalisation de l’idée européenne. La voix des citoyens ne peut pas se faire entendre pour obtenir ce qu’ils souhaitent, c’est-à-dire une autorité politique capable de faire respecter un certain nombre de règles à la surface de la planète.” “
Bayrou déplore donc de devoir approuver un traité qui laisse à l’écart la question de la démocratie. Résumant les principes qui y manquent dans la curieuse formule : ” place aux citoyens pour qu’une démocratie permette de faire entendre leur voix.” La souveraineté du peuple semble se dissoudre dans l’audition des citoyens. Heureusement, Bayrou devine ce que dirait la voix des citoyens, si elle avait l’usage de la parole. Elle souhaiterait un exécutif fort : “La voix des citoyens ne peut pas se faire entendre pour obtenir ce qu’ils souhaitent, c’est-à-dire une autorité politique capable de faire respecter un certain nombre de règles à la surface de la planète.”
Ainsi le fossoyeur, tantôt en adressant quelques paroles de compassion à la famille du défunt, tantôt en se plaignant des difficultés du terrain, continue de creuser, toujours plus profond, consciencieusement.
Acte V
Le 13 juin, enfin, le site du Mouvement Démocrate publie conjointement les réactions de François Bayrou et de Marielle de Sarnez au vote négatif des Irlandais. Ils parlent bien de ce traité de Lisbonne, que Bayrou, comme représentant du peuple, a fait ratifier par la France. Si je le précise, c’est que ça ne se voit pas :
“Selon François Bayrou , ce rejet probable du traité de Lisbonne par les Irlandais révèle le “fossé” qui “s’est creusé entre les peuples européens et leurs institutions”.
“Les Irlandais ont répondu comme beaucoup d’autres peuples européens l’auraient fait” à ce traité “encore plus incompréhensible que le texte touffu de la Constitution européenne”, a déclaré à l’AFP M. Bayrou. “On a essayé de ruser avec les peuples, et de faire comme si l’Europe était uniquement une affaire d’initiés”, a-t-il dit. Les gouvernements vont devoir “prendre le temps nécessaire” pour rejoindre les préoccupations des citoyens “qui ont l’impression que l’Europe est devenue uniquement une machine pour initiés purement économique et commerciale, et qui ne les protège pas dans les difficultés des temps” .
Les citoyens “ont le sentiment de n’être au courant de rien de ce qui se décide et se discute”, a-t-il ajouté. “Je suis certain qu’ils pensent dans leur grande majorité qu’il faut une Europe dont la voix soit aussi crédible et influente que celle des Etats-Unis ou de la Chine. Mais ils veulent que ce soit leur voix”, a déclaré François Bayrou.
Il faut élaborer pour l’Europe un traité “court, simple, lisible, compréhensible par tous et soumis à référendum”, a-t-il encore indiqué, reprenant la thématique développée pendant la campagne présidentielle.”
De son côté, Marielle de Sarnez déclare :
“C’est un événement très important qui ne peut pas être ignoré ou contourné et qui aura des conséquences lourdes pour l’avenir immédiat.
Un fossé s’est creusé entre les peuples et l’Europe. C’est à cette question qu’il faut répondre. On ne peut plus continuer d’ignorer ce qui est ressenti comme un déficit démocratique.
Ceci oblige à trouver pour l’Europe des réponses nouvelles qui prennent en compte les inquiétudes des peuples et les défis des temps.” “
La “nécessité absolue” de la démocratie surgit à nouveau. Et c’est le miracle. Les deux nécessités absolues cessent de s’exclure mutuellement. L’une est devenue la condition de l’autre, et réciproquement. Elles ne se conçoivent qu’ensemble : “Je suis certain qu’ils pensent dans leur grande majorité qu’il faut une Europe dont la voix soit aussi crédible et influente que celle des Etats-Unis ou de la Chine. Mais ils veulent que ce soit leur voix“.
La transmutation de la nécessité sacrifiée en condition sine qua non tient du prodige. Mais toute sa magie ne vient que de ces deux lettres que les Irlandais ont choisi majoritairement d’opposer au traité : “No”. Le sacrifice était-il vain ? Pas du tout. Le fossé est désormais plus large et plus profond. Il faut secrètement s’en réjouir et ouvertement le déplorer.
Notez bien : “Les Irlandais ont répondu comme beaucoup d’autres peuples européens l’auraient fait“. Et, faut-il ajouter comme certains peuples, dont les Français, l’ont fait, et le feraient encore, les yeux fermés, rien qu’à entendre ce qu’en dit le Bayrou aujourd’hui. Pas celui qui creuse. Celui qui déplore.
Il faut donc un référendum. François le Populiste, monté sur son dromadaire toiletté et en état de marche, vient de voir se dessiner l’oasis des élections européennes à l’horizon.
Il n’y a qu’une seule position qui soit juste et efficace. Elle se joue dans l’alliance des partis libéraux démocrates et démocrates sociaux de toute l’Union. C’est seulement par une telle alliance que peut se négocier la proposition d’un référendum commun et simultané à tous les pays de l’Union, dans lequel un homme égale une voix. C’est le point de passage obligé d’une Europe fondée sur la souveraineté de son peuple.
Rien ne doit être fait qui soit incompatible avec cette perspective. Les petits faux pas européens de l’homme politique ordinaire ne font que creuser le vrai grand fossé qui le sépare et le protège du citoyen.