Sur l’explication de vote résumée dans : “…c’est lui qui a été élu”

En réponse à buildfreedom, sur e-soutien, qui me dénonce comme un “sinistre manipulateur”.

Vous devriez vous détendre, mon cher buildfreedom. Une bonne bière. En terrasse. Une Guinness, par exemple. Brassée en Irlande. Puisqu’il faut faire des propositions pratiques, paraît-il, ç’en est une.

Je trouve assez fastidieux de répondre à vos accusations, qui se montrent de plus en plus délirantes. C’est pourquoi je n’y réponds pas toujours. Seulement une fois de temps en temps, pour faire mesurer à quel point elles sont malveillantes et ridicules.

1°) Comment avez-vous pu imaginer que je me mettrais à tricher sur des dates ? A postdater des citations ? Comment avez-vous pu croire que je me mettrais à tromper mes amis du Mouvement Démocrate ? Comment pouvez-vous vous laisser aller à des interprétations aussi malveillantes à mon égard ?

Ma citation est empruntée au site bayrou.fr. La page a été lue 30 000 fois. Le discours dont j’ai cité un large extrait y est introduit de la manière suivante :

“L’Europe est un engagement - elle est aussi une nécessité. François Bayrou lui a consacré l’un de ses grands discours de campagne à Strasbourg le 12 février [2007]. L’avenir de la France ne peut s’écrire qu’au sein d’une Europe investie par ses citoyens, conscients de la valeur d’un modèle de société et de civilisation attaqué de toute part.

” Le modèle européen existe, il est un projet de société en résistance aux valeurs dominantes dans le monde, à la dictature de l’argent roi, à l’obsession des rapports de force. […] “

Il n’y a pas d’autre datation de ces propos dans cette page. Elle se termine par 4 références en liens, dont deux datées du 12 février 2007.

Je ne suis pas un enfant. Vous devriez vous méfier un peu plus de moi. Vous savez bien que je n’ai jamais manqué une occasion de vous donner raison. Je vais le faire une fois de plus. Et de bon coeur.

Le discours cité par cette page de bayrou.fr ne correspond pas à la date et au lieu qu’elle mentionne. Les références qu’elle donne ne correspondent pas à la citation. Par ailleurs, sur mouvementdemocrate.fr, toutes les dates antérieures au 29 novembre 2007 ont été remplacées par cette dernière date. Problème technique non résolu à ce jour. Les dates qu’il donnait pour mes citations suivantes étaient donc fausses, elles aussi. Un exemple ?

J’ai corrigé les erreurs que j’ai repérées. J’ai reproduit la seule d’entre elles que je n’ai pas repérée. Pour me faire pardonner, un extrait du discours réellement prononcé à Strasbourg le 12 février (page lue 500 fois) :

“Je veux dire simplement en deux mots ceci : on va devoir naturellement traiter et vivre la suite du référendum du 29 mai 2005.

Cette suite, je la prends au sérieux. Je sais, je crois, que, dans les mois qui viennent, les gouvernements européens et l’Allemagne qui préside l’Union va être obligée de constater qu’en l’état le traité ne sera pas possible. Je pense et je crois souhaitable que Mme Angela Merkel, au nom de l’Allemagne, dise que l’on va convoquer une conférence intergouvernementale et que cette conférence des États européens va examiner les objections faites à ce texte, qu’elle va garantir que l’on peut trouver des voies pour que l’Europe deviennent la terre des citoyens et qu’elle échappe à l’accusation qui a été si souvent alléguée, une Europe qui imposerait aux citoyens un projet de société qui ne serait pas le leur et qui leur garantirait une identité qui est celle qu’ils estiment devoir être l’identité européenne.

J’espère qu’un texte lisible par tout le monde court, compréhensible et offrant les garanties démocratiques nécessaires, sera rédigé et, ce texte, je ne veux pas qu’il soit décidé en court-circuitant les Français.

Je dis à l’avance que, élu Président de la République, ce texte nouveau qui fera de l’Europe une Europe des citoyens, je le soumettrai au référendum des Français, je ne déciderai pas à leur place.”

Je n’avais d’ailleurs aucun besoin de falsifier des dates pour démontrer que la perspective d’un nouveau référendum s’imposait depuis longtemps à quasiment tous les “concurrents”, sauf à Sarkozy. Voici par exemple ce que déclarait Ségolène Royal le 7 novembre 2006 :

“Il faut reconstruire l’Europe par la preuve, lancer un grand projet européen qui touche la vie concrète, quotidienne des Français. Il faut que l’Europe réussisse à lutter contre le chômage, à faire ses preuves contre les délocalisations. Par exemple, en cessant de subventionner, de donner des fonds structurels aux entreprises qui délocalisent. L’Europe doit ensuite faire ses preuves en investissant massivement dans les emplois de demain, dans la recherche et dans la protection de l’environnement.

Ensuite, nous avons dans un texte court à dire qui décide, comment on décide, et avec quelles institutions nous décidons. Il faut redéfinir les règles du fonctionnement de l’Europe. Car on ne fonctionne pas à 27 comme à moins de pays. Mais ces règles seront d’autant mieux acceptées par un nouveau référendum du peuple français si l’Europe fait ses preuves dans les domaines que j’évoquais tout à l’heure. Si nous luttons contre le chômage de masse, alors les Français adhéreront à l’idée européenne.”
(Cf. Le Monde daté du 9 novembre)

Est-ce vraiment le “contraire” de l’engagement pris par Bayrou ? Est-il vraiment malhonnête de faire remarquer que ce positionnement exclusif pour le moins précaire ( qu’il a fallu abandonner plusieurs mois avant les élections) était déjà discutable ?

2°) Pour le reste, c’est simple. Invoquer l’élection de Sarkozy comme motivation d’un vote législatif, pour un représentant du peuple, c’est abdiquer la part de souveraineté nationale qu’il exerce à travers son propre mandat. C’est abolir du même coup tout ce qui fonde la légitimité d’une opposition parlementaire. Vous auriez dû en prendre conscience. Car c’est nier la séparation des pouvoirs. Difficile de ne pas le voir.

En votant Sarkozy, on acceptait qu’un amendement à la Constitution soit soumis au Parlement, mais on ne demandait strictement rien au Parlement lui-même. On ne peut rien lui demander par cette voie. Les Français ont majoritairement accepté, de même, qu’en cas de réforme de la Constitution, un traité, présenté à l’époque comme un “mini-traité”, soit soumis à son tour au Parlement. Mais de même, ils n’avaient pas le pouvoir de demander au Parlement, en même temps et par la même voie, de renoncer à ses pouvoirs propres, dont celui de ratifier ou non ce traité.

A travers le représentant du peuple s’exerce une part de la souveraineté nationale, celle qui est détenue par l’électorat de sa circonscription. Bayrou, lorsqu’il explique sa position en disant “… c’est lui qui a été élu”, abdique de cette part de souveraineté. En tentant par là de faire oublier ce qu’il disait au cours sa propre campagne législative (Acte II) : “Nous aurons sans doute des débats, quand ce texte sera adopté, sur la manière de le ratifier”.

Sarkozy venait pourtant d’être élu président. Comment pouvait-on concevoir d’avoir à débattre des modalités de ratification, si le Parlement était conduit à accepter d’emblée la valeur référendaire d’une élection présidentielle ?

La manière de le ratifier“. Il fallait avoir l’oreille fine pour deviner ce que cela voulait dire. L’euphémisme édulcore déjà l’alternative entre voie référendaire et voie législative, mais ne prétend pas encore que la chose vient d’être définitivement tranchée par l’élection de Sarkozy. Et cela dit encore moins que les engagement pris avant les présidentielles ne valent plus rien. Pas encore. Pourquoi ? Parce que les malentendus doivent être exploités avant d’être levés. Parce que les députés qui lèveront le voile plus tard doivent d’abord se faire élire, à commencer par Bayrou lui-même.

Le principe du “tout est joué” était-il lisible dans les discours de la campagne législative ? Bayrou a-t-il été élu par des gens qui savaient que les modalités de ratification du traité ne seraient pas débattues par lui ? Et que ses engagements sur le référendum - “je ne déciderai pas à leur place” - ne valaient plus ? C’est dans sa propre élection, et non dans celle d’un autre, qu’un représentant du peuple doit chercher les principes de sa conduite.Toute la Constitution le lui rappelle, si nécessaire.

Selon moi, tout cela met bien en relief certains traits de ce qui fait la différence entre un politicien ordinaire et un homme d’Etat.

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