Arguments en faveurs de l’uniforme scolaire

A quelqu’un qui considère l’adoption de l’uniforme scolaire comme une manifestation du “retour de l’ordre moral”.

L’uniforme scolaire existe aujourd’hui sur tous les continents, et sous les régimes les plus divers. Où est la nostalgie là-dedans ? Où est le retour de l’ordre moral ?

Je reconnais que je ne suis pas très objectif. J’ai des enfants qui vont à l’école. Et d’autres qui y sont passés. J’ai tendance à croire que si on n’a pas d’enfants à l’école, on a tendance, sauf avec un effort particulier, à voir les choses d’une manière très abstraite. Idéologique, même. Au pire, on ignore complètement cette détermination par la position. Et les intérêts particuliers qui lui sont attachés. On ne sait plus où on est. On écrit 30 lignes sur l’uniforme scolaire sans mentionner une seule fois le mot “école”, sans se référer une seule fois à ce qu’est l’école, ni à ce qu’elle devrait être.

Et on regarde les choses à l’envers. Empruntant des notions soixantehuitardes comme “le règne des apparences” pour défendre le droit de dépenser plus pour s’habiller moins bien.  Droit qui semble être la clef de voute de tous les “épanouissements personnels nécessaires au développement d’un être humain”.

Qui défend l’ordre des chose comme bon et inaltérable ? Qui est résigné ? Nos enfants, tels qu’ils sont habillés aujourd’hui, lorsqu’ils vont à l’école, portent, sous “l’apparence” de la libre diversité, l’uniforme du fatalisme et de l’impuissance. Celui qui affiche leur soumission mimétique à la “dictature des marques”. L’habillement, ça parle toujours.  Et ça dit parfois des choses tristes, au lieu de ce qu’on voudrait leur faire dire. Des choses qu’on dit sans le savoir. L’uniforme scolaire, à cet égard, c’est d’abord un peu de silence, pour commencer.

Toute la question est de savoir si l’école aurait un rôle à jouer dans les rapports de la démocratie et du marché. Et si oui lequel ? De bien les mélanger, jusqu’à produire des citoyens qui se sentent libres parce qu’ils peuvent s’exprimer, avoir un style, montrer leurs goûts ? Ou de bien séparer et de bien distinguer la démocratie du marché, pour produire des gens plus exigents, plus difficiles à contenter, pourvu d’esprit critique, aimant la liberté jusqu’au bout, même quand elle s’applique à des choses plus graves, plus profondes, plus importantes ?

Il y a dans la position de parent quelque chose qui oblige à se poser des questions sur l’école, d’une manière très concrète, et à chercher des solutions.

Ce matin, discussion avec l’un de mes fils et l’une de mes filles à propos du goûter qu’ils emportent : il y a visiblement un cours - comme à la bourse - réglé plus ou moins sur la pub ciblée enfants, qui donne la parité des échanges de goûters entre enfants. Chez le plus petit, pas de problèmes : en maternelle, le goûter est distribué par la mairie, depuis deux ans. Il est équilibré. Il est le même pour tous. L’extension de ce système n’arrange pas tout le monde. Pourtant, la mesure est d’intérêt général : régime alimentaire équilibré, coût limité, proportionnels aux revenus, absence de rivalités mimétiques, désamorçage du “vu à la télé”, apprentissage du partage, etc.

Autres difficultés. Avec le choix des vêtements. Mon fils va chercher un pantalon pas encore sec. Celui qu’il devait mettre ne va pas. On finit par comprendre que c’est à cause de la fine bande blanche qui couvre les coutures sur les côtés. Enjeux :

- Est-ce que les vêtements des enfants, qui grandissent vite, peuvent passer de l’un à l’autre, ou pas ?

- Est-ce qu’on peut acheter des produits dont la structure de coût comporte moins de 3% de pub, et moins de 30 % en distribution, ou est-ce qu’il faudra aller jusqu’à 25% en pub, et 50% en distribution ?

- Bref, est-ce qu’on peut acheter quelque chose qui est encore aux deux tiers un produit, ou est-ce qu’il faut acheter quelque chose qui est aux trois quarts constitué d’immatériel, de mythologie, d’image ?

Qui est objectif ? Qui rêve ? La plupart des parents le perçoivent correctement : ce n’est pas un problème individuel, pas un problème d’éducation au niveau familiale. Pour chacun, la pression mimétique passe par tous les autres. Il suffit d’une petite brêche quelque part dans la résistance, et tous les parents finissent par concéder du terrain au culte des apparences. Parce qu’ils veulent que leurs enfants jouissent d’une certaine égalité.

Et qui verse le denier du culte de l’apparence ? Qui finance le catéchisme publicitaire ? Qui subventionne le fétichisme des marques ? Qui transforme l’école en lieu de culte ? Qui fait de la laïcité et de la neutralité de l’école une farce ? Qui alimente le cercle vicieux ? C’est nous.

Le marketing du marché de habillement enfant et adolescent représente un chiffres d’affaires de 3,5 à 4 milliards d’euros. En nous cotisant, nous consacrons donc quelques centaines de millions d’euros de budget publicitaire à dé-laïciser l’école, à transformer nos enfants en missionnaires au service de la religion de la marchandise. Il y a un bon milliard d’euros en pouvoir d’achat à récupérer. Jusqu’à 10% du budget familial pour certains.

Cela nous oblige à réfléchir aux moyens de rompre avec une liberté vestimentaire, autrement dit un droit à la rivalité mimétique, qui un coût social, un coût éducatif et culturel, un coût économique. Ni la gratuité, ni la laïcité de l’école n’y résistent. Or ce sont de bonnes choses, beaucoup s’accordent à le dire. Mais dont ne subsiste que l’apparence.

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