Sur les procédés
Oui, Marie-Pierre. C’est la situation. Ou en tout cas, un aspect important de la situation. Un face à face entre deux manières de voir et de faire. Mais faut-il les définir l’une par rapport à l’autre, comme tu le fais, et sous un angle où elles s’opposent radicalement ? Car en te lisant, la question qui vient tout de suite à l’esprit, c’est : en ce cas, à quoi bon se rassembler ?
Je ne prétends pas avoir une réponse juste à cette question. Mais je la pose autrement que toi.
Prenons par exemple les procédés (euphémisme pour manipulation). En les décrivant, j’ai bien insisté sur la relation entre les positions des uns et des autres. Si l’on change les positions, cela ne marche plus.
D’autre part, si au lieu d’un mouvement de conscience et de son contraire, tu considères qu’il y a deux cultures, l’une tournée vers le jeu politique classique, et l’autre vers un autre jeu, la question du rassemblement commence à se poser autrement.
1°) Ce que j’ai appris, grâce à ces centaines de dialogues parfois de bon aloi, parfois pas, avec tous ces gens de l’UDF, c’est très important . Cela ne se résume pas à un inventaire de procédés qui devrait figurer dans tout manuel de survie civique. Ce jeu classique, si on veut le subvertir en douceur, un jour, il faut le connaître à fond. En ce sens, je regrette sincèrement la désertion de certains, vers la droite, qui sont souvent à ce jeu de meilleurs experts que ceux qui sont restés. Un peu de provocation, au passage.
2°) D’autre part, si les choses ont tourné si mal, dans ce contact entre les deux cultures du Mouvement, c’est qu’il y avait une somme vertigineuse de fausses idées, de préjugés et de malentendus, des deux côtés. Par exemple, les verraient bien apporter l’encadrement, et n’aurait besoin des autres que pour les “idées” et la quantité. Inversement, et tout aussi faussement, les autres se verraient bien majoritaires, dans une fusion parfaite, où la culture de l’autre se dissoud complètement. Une grosse erreur aussi, à mon avis. Pour des raisons de position, ces malentendus se sont intégralement maintenus, ou envenimés. Si les positions changent, ils se dissipent rapidement, j’en témoigne, au niveau de ma section.
3°) Voyons maintenant vers le dehors du Mouvement. Quel est notre but ? A moyen terme, et sans aller se perdre dans la définition d’un but ultime, on peut s’accorder sur la nécessité de grandir. D’être un mouvement capable de rivaliser avec deux grands partis qui sont aujourd’hui nettement plus puissants que le nôtre. Or notre avantage stratégique est lié à notre position centrale, et à notre capacité de nous étendre sur nos deux ailes. A condition qu’elles existent toutes les deux, d’abord. A condition qu’elles conservent chacunes leur culture, ensuite. Et à condition qu’entre ces deux pôles, l’articulation soit solide, stable, et saine.
Posée en ces termes, la question de savoir s’il faut chercher à rester ensemble à comme réponse oui, à certaines conditions. Des conditions d’organisation et des conditions de stratégie.
Quelles sont les chances pour que ces conditions soient remplies ? Les statuts (dernière version ) proposent une réponse simple : Bayrou. Bayrou serait le point d’articulation de ces deux cultures, aussi bien dans l’organisation interne du Mouvement que dans sa stratégie. C’est une réponse très insuffisante. Explosive. Même avec le ciment des valeurs par dessus.
Existe-t-il aujourd’hui une alternative, plus apte à nous articuler et nous mener dans la bonne direction ? Je ne parle pas d’un autre Bayrou, bien sûr, mais d’autres statuts ? Les chances me paraissent plutôt faibles.
Pour la première fois, nous allons être en position de “négocier” quelque chose, amendement par amendement. Mais le jeu risque d’être faussé. Et de radicaliser notre face à face. Tant qu’une autre solution restera possible, il faudra éviter ce face à face, et je m’y emploierai. Mais dès qu’autre solution ne sera plus possible, je saurai me rappeler où est mon camp, et je m’en donnerai à coeur joie.
Voilà où j’en suis.